Alors qu’en octobre 2022, l’école de philosophie de Verfeil-sur-Seye faisait sa rentrée sur le thème de l’ordre des choses, nous nous sommes réunies au sein du groupe mnémosyne autour d’une idée : ranger la mémoire du monde.
A partir de Simondon et Levinas, on va se poser la question du lien entre éthique et efficacité dans la politique.
« Dieu n’autoriserait pas un tel désordre près de lui dans le ciel. De plus, observe Dame Arithmétique, si les mouvements des astres étaient incommensurables, notre fille obéissante, la Musique aux doux sons, seraient privés d’honneurs célestes, alors qu’elle contribue à régir le ciel, comme l’attestent de nombreux évènements physiques. »
Ou
« il n’y a pas d’ordre cosmique sans différenciation, hiérarchie, suprématie il n’y a pas non plus de suprématie sans conflit, sans injustice, sans violence ».
Le thème de cette année, « L’ordre des choses », a mis cinq différents groupes d’étude au travail : désir, anarchi(sm)e, l’esprit du mal, poésie et mnémosyne. Ce dernier, le groupe dit mnémosyne, a pris pour objet d’étude l’ Atlas-Mnémosyne d’Aby Warburg. Il a donc proposé aux autres de s’en inspirer pour partager un état de leurs travaux.
Invitation et programme
2023-24
Depuis maintenant cinq ans, une école de philosophie existe à Verfeil-sur-Seye dans le Tarn et Garonne (82). Cette école a été créée afin de partager et forger ensemble, par l’étude, l’écoute et la discussion, des outils conceptuels capables de nous aider à comprendre ce qui nous entoure et nourrir nos révoltes contre le monde tel qu’il va.
Y avait Verfeil. Y avait la Grande Maison. Y avait le salon anglais, la salle à manger, la cuisine, le jardin, le dojo, la bibliothèque. Y avait les matelas entassés dans les dortoirs, les brosses à dents jetées autour des lavabos, les livres posés en travers des fauteuils, les feuilles volantes tombant au goutte à goutte de la table à côté de l’imprimante. Y avait des soupes, du pain, du beurre, du café, des bières, des assiettes dégueulant de chou.
« Une révolte contre l’évidence » ?
Qu’est-ce qui fait tenir ensemble les unités langagières que nous utilisons, dans la vie courante ou dans les textes qu’il nous prend parfois d’écrire ? De quoi est faite la pâte de nos phrases ? Est-ce simplement d’un agencement de principes sémantiques et syntaxiques ? D’un plat enchaînement de mots répondant terme à terme à des idées qui nous traversent ?
Désordre dans la vallée de Josaphat
Cet exposé propose une brève histoire des conceptions successives du mal. Non seulement parce que l’on peut considérer le mal comme critère ordinateur et révélateur de « l’ordre des choses » d’une époque, mais il s’agit surtout de situer les deux auteurs sur lesquels nous allons nous attarder, Agamben et Arendt, par rapport à cette histoire.
Le montage comme idée et comme opération
Si nous parlons de montage, dans une année consacrée à "l’ordre des choses", c’est qu’il a été dit que le cinéma y pouvait quelque chose à cet ordre ; et qu’un de ses attributs primordiaux - le montage - se présentait comme l’opérateur d’une telle puissance.
ou l’ordre sans le pouvoir
On prête à Proudhon la formule suivante : "l’anarchie, c’est l’ordre sans le pouvoir". Comment penser une forme d’ordre qui ne soit pas le produit de l’action d’un principe ou de l’exercice d’un pouvoir ? Nous essayons de montrer qu’on peut soustraire l’ordre aux effets de pouvoir. C’est-à-dire déconstruire les hiérarchies. Deleuze et Guattari s’y sont affairés, en créant le concept de rhizome. Nous avons essayé de les lire en écoutant du free jazz.
Laver, ranger
Cette année nous allons nous intéresser à L’ordre des choses, et il nous semblait important de commencer cette réflexion par son sens le plus méprisé, le plus terre à terre et donc, quel dommage, le plus éloigné de la philosophie (le mariage entre matérialité et philosophie n’étant pas conclu) : le ménage.
« Les choses sont là, pourquoi les manipuler ? » demandait Roberto Rosselini. En les filmant, le cinéma nous donne à voir les choses telles qu’elles sont, dans leur objectivité – contrairement à la poésie, à la peinture, à la sculpture. Pourtant le cinéma manipule les images, littéralement. À la main, il met les images les unes à la suite des autres, dans un certain ordre – c’est le principe même de son fonctionnement. Par l’intermédiaire des images, le cinéma met donc les choses en ordre pour nous montrer l’ordre des choses. Voilà son paradoxe.
Invitation et programme
2022-2023
Depuis maintenant cinq ans une école de philosophie existe à Verfeil-sur-Seye dans le Tarn et Garonne (82). Cette école a été créée afin de partager et de forger ensemble, par l’étude, l’écoute et la discussion, des outils conceptuels capables de nous aider à comprendre ce qui nous entoure et de nourrir nos révoltes contre le monde tel qu’il va.
Ce texte est issu du travail du groupe qui a étudié cette année la notion d’institution, en particulier à travers l’histoire de la psychothérapie institutionnelle. Il a été présenté lors de discussions sur le thème du communisme à l’été 2022.
« Comment sortir de la désespérante alternative entre d’un côté, une organisation fondée sur le modèle étatique, type parti ou syndicat (centralisme), et de l’autre, une suite ininterrompue mais toujours décevante de mouvements sans cesse voués à dépérir (spontanéisme) ? »
Voici un document de travail qui nous a servi à nous ouvrir à davantage de nouvelles personnes, tant dans les invitations que dans le fonctionnement.
Trois ans : le stade du miroir
Le long de la Seye et dans les couloirs de la grande maison, les rumeurs courent à propos de l’année qui vient. C’est non sans un certain soulagement que nous vous annonçons que l’école ne continuera pas sous cette forme.
Cette vidéo se penche sur le projet cybersyn, tentative de gestion cybernétique de l’économie sous Allende, interrompue par le coup d’état de 1973. Elle questionne ainsi certains points de convergence, malentendus ou antagonismes entre cybernéticiens et révolutionnaires au tournant des années 70.
Ressaisir, à partir du livre de Giorgio Colli, le site historique, religieux, politique de la philosophie. Comprendre quelles sont les racines de ce langage que nous parlons et que nous avons pensé pertinent de pratiquer collectivement.
L’atelier science-fiction a écrit toute l’année des histoires à plusieurs mains.
Pour les partager, ielles en ont fait deux fictions radios qui décrivent des mondes entre le gris et le rose, entre les marais et la ville, entre dialogue et chansons de trap.
Dans ce cours, nous étudierons le cadre épistémologique fondé sur l’hypothèse de la différence sexuelle dans ses rapports complices et contradictoires avec des discours biologiques et féministes.
Les sociétés modernes se sont construites sur l’équation savoir = prévoir = pouvoir. Si l’écologie ne consiste pas seulement à ajouter des connaissances au premier terme, en quoi modifie-t-elle l’équation ?
On calcule sur des chiffres. Pour faire le compte d’une addition, cela se fait de tête. On s’en remet sinon à la machine. Mais lorsque cela se complique, on pose un X pour l’inconnu d’un tel calcul. Il faut alors penser et inventer de nouvelles formes de calcul. Mais que se passe-t-il si l’on interprète le X comme autre chose qu’une quantité ? Que devient une équation où le X n’est plus un chiffre, mais une proposition ou une idée ? La logique mathématique se mêle alors à notre langage et à notre vision du monde.
Le film de Harun Farocki et Andrej Ujica, Vidéogramme d’une révolution remonte les images de la révolution Roumaine de 1989, première révolution à se passer si massivement à la télévision. Les notions d’évènement et de temps réel sont bouleversées.
Le but de cette séance sera de travailler sur les images militaires. Il s’agira non seulement de mettre en lumière les histoires croisées des images aériennes et du cinéma mais aussi d’étudier ce que ces images aériennes impliquent. Aussi, ce cours constitue-t-il la première partie d’une séance plus grande sur les images militaires.
Le but de cette séance sera de travailler sur l’idée de reproductibilité en série. Montrer donc, comment l’image dans photo puis dans photo en cinéma s’inscrit dans un rapport industriel de la reproductibilité en série. Le cours sera divisé en trois parties : (1) Le cinéma comme art industriel, (2) La production des images et des objets, (3) Le montage.
Le féminisme a contribué à déconstruire le mythe d’un discours universellement valide, en montrant qu’une telle prétention à l’universalité ou à la neutralité repose en réalité sur l’hégémonie d’une position singulière sur d’autres. Il faut alors comprendre que tout discours, tout savoir est situé. Mais c’est alors l’objectivité, comprise comme la possibilité de délier un énoncé de la subjectivité qui l’énonce, qui s’effondre.
On a vu qu’on ne pouvait pas prouver des énoncés théoriques par l’expérience ; mais selon Popper, on peut les réfuter : donc le « scientifiquement prouvé » a un sens, mais négatif : on ne peut avoir qu’un « scientifiquement réfutée, ou du moins réfutable ».
La science mérite-t-elle la suprématie sur « dire la vérité » qu’on lui donne ? La science nous donne-t-elle accès à une vérité qui fonderait une supériorité du discours rationnel (ou rationaliste) occidental sur les autres discours ?
Le mot « cybernétique » charrie avec lui quantité de fantasmes et de représentations en tout genre – ordinateurs, informatique, robots, nouvelles technologies en général. Le but de ce cours est Triple. Il s’agira en premier lieu de dissiper cette confusion en répondant précisément à la question « Qu’est-ce que la cybernétique ? ». Une fois ce point établi, nous essaierons de situer la cybernétique par rapport aux sciences de l’époque. Enfin, nous essaierons de dégager quelques uns des enjeux culturels qui entourent la naissance et le développement de la cybernétique.
Nous tenterons de répondre à cette question avec notamment le livre de Thomas Kuhn, La structure des révolutions scientifiques (1962).
« L’auteur qui a médité sur les conditions de la production actuelle [...] son travail ne sera jamais uniquement le travail sur les produits mais toujours en même temps un travail sur les moyens de production. » Walter Benjamin, « L’Auteur comme producteur ».
Que la Terre tourne autour du Soleil – et non pas l’inverse – est l’une des plus grandes certitudes acquises par la science moderne. C’est aussi un énoncé qui a fait basculer le monde, du système ptoléméen au système copernicien, du géocentrisme à l’héliocentrisme, de l’harmonie cosmique au silence des espaces infinis.
"Si nous estimons que le féminisme est davantage qu’une étiquette frivole, si nous le concevons comme une éthique, une méthodologie, une manière plus complexe de penser les conditions de la vie humaine et donc d’agir sur elles, nous avons besoin d’une connaissance de nous-mêmes qui ne peut se développer que par une attention constante et passionnée à toute l’expérience des femmes (...). S’il en est ainsi, nous ne pouvons travailler seules.
Cet atelier est expérimental. On y parlera de théologie et de religion avec la plus totale liberté, sans pour autant dire n’importe quoi. Si la science est parfois hâtivement qualifiée de nouvelle religion aujourd’hui (en tant que discours qui a le monopole de la vérité), il n’est pas absurde, au cours d’une année consacrée aux sciences, d’apporter un contre-point théologique dans un atelier.
« Nous sommes plusieurs à penser, depuis notre coin d’avoine sauvage, au milieu du maïs extra-terrestre, que, plutôt que de renoncer à raconter des histoires, nous ferions mieux de commencer à en raconter une autre, une histoire que les gens pourront peut-être poursuivre lorsque l’ancienne se sera achevée.
— Il faudra d’abord apprendre à lire, dit Omélas en clignant des
— Et peut-être se mettre à écrire ?, demanda Qynabys. »
On considère généralement nos amis comme nos proches. Il se pourrait cependant que la proximité, par quoi on a l’impression d’être fait les un.e.s pour les autres, ne soit que l’indice d’un narcissime profond qui nous fait chercher en l’autre le simple reflet de nous-mêmes. Que serait une amitié débarrassée de tout narcissisme ? La critique nietzschéenne de l’amour du prochain accouche d’une proposition énigmatique : une amitié d’étoiles.
Théoriquement, la relation qui unit les citoyens dans nos États modernes est celle du contrat : contrat politique entre le peuple et ses représentants, contrat économique entre les membres du peuple. Libre ensuite aux individus de signer toute sorte de contrats supplémentaires, tant qu’ils respectent des règles minimales (le droit). Nous proposons l’expérience de pensée suivante : que deviendrait un système politique si la relation qui en unit les membres était l’amitié plutôt que le contrat ? Est-ce seulement possible ? Peut-on encore parler de système politique ? Et puis, que faire alors des relations qui n’entrent pas dans le cadre de l’amitié ?
Telle qu’on la connaît, l’amitié est une affaire d’hommes. Elle a été, dans la culture occidentale, dominée par des valeurs fondamentalement masculines, parmi lesquelles, au premier titre, la fraternité. Si l’homme est l’ami de l’homme et que la femme est tenue pour l’objet de l’homme, en quel sens est-elle l’amie de la femme ? Et pourrait-elle être l’amie de l’homme ? On s’interrogera, à partir des théories féministes, sur la signification et la possibilité d’une amitié féminine.
Pedro Costa va filmer Vanda dans sa chambre, à Fontainhas, un quartier de Lisbonne en pleine destruction par des bulldozers.
Il dit : « Les plans de cinéma sont un peu comme des pierres : il y a l’ambition qu’à la fin, le film soit comme une maison, entière, habitée, d’où l’on peut sortir et entrer. »
Ce deuxième épisode sera une entreprise anthropologique imaginaire : que se passe t-il si l’on élève ses enfants dans l’ignorance la plus totale de l’extérieur, à l’intérieur d’une fiction absolument montée de toute pièce ? C’est ce que filme Yorgos Lanthimos dans Canine (2009).
Durant cette période de confinement, nous avons voulu tenté un atelier cinéma à distance.
Le confinement posait la question, dans les formes classiques du cinéma du huis-clos. Mais nous avons préféré, plutôt qu’analyser des huis clos rigoureux, nous poser la question de l’intérieur, du confinement, qu’il soit choisi ou non, et filmer l’extérieur ne veut pas dire l’ouverture.
Le premier épisode parlera d’un confinement qui concerne la moitié de l’humanité, et qui est le confinement des femmes à la maison, dans leurs tâches ménagères et Chantal Akerman veut "faire de l’art avec une femme qui fait la vaisselle".
"Aimer la distance. Le point de rencontre des parallèles est à l’infini."
Un petit groupe de travail s’est consacré cette année à l’exploration de l’oeuvre de Simone Weil, en partant du thème de l’amitié puis en traversant différentes périodes de sa vie et de son engagement politique.
"On ne peut pas faire des films sur quelque chose, on peut faire des films avec quelque chose, avec des gens, avec de la lumière, avec des fleurs, du sang, avec toutes ces choses insensées qui en valent la peine" Douglas Sirk
Nous nous poserons d’abord dans ce cours la question de la distinction entre amour et amitié, après avoir tenté de les définir : affects, relations, expériences ? Il s’agira d’interroger le critère qui permet de dire qu’on « tombe amoureux.se », par exemple d’un.e ami.e, alors même qu’on aime tou.te.s ses ami.e.s. On s’attardera notamment sur l’hypothèse qui semble la plus commune : celle faisant du désir sexuel le point de bascule de l’amitié vers l’amour. On se demandera alors ce qui sépare les amoureux.ses qui s’aiment des amant.es qui font l’amour, en nourrissant nos interrogations d’une étude de la figure moderne dessex friends, ces ami.e.s qui font l’amour.
Présentation, lecture et discussion de textes centraux des pensées queer et féministe. L’idée est de se constituer un corpus au fil des séances et de s’en servir pour critiquer les textes qui sont proposés afin de mieux les saisir.
La « vertu » dans le théorie de l’amitié chez Aristote
Que veut dire se soucier de ses amitiés ? Non pas l’ami, dans l’appréhension fine de sa manière d’être que je peux en avoir, ni moi-même dans ce que j’attends ou demande de mon ami, mais cette relation d’amitié elle-même, et à travers elle ce qui est partagé par deux amis. Quelle est-elle cette chose ? Et ce qui est partagé par les deux amis, est-il en soi commun, c’est-à-dire possiblement partageable avec d’autres ? Ou ce ne serait qu’un bien réservé à des amitiés exemplaires, voire impossibles, inexistantes finalement, vis-à-vis desquelles toute amitié n’est qu’une pâle copie décevante ? On abordera ces problèmes à travers quelques enjeux posés par le rôle de la "vertu" (arete) dans la théorie de l’amitié d’Aristote tel qu’il l’expose dans L’Ethique à Nicomaque.
"Il a dit que si je vous soignais, ça me soignerait aussi."
Si le philosophe est, comme le prétend l’étymologie, l’ami de la sagesse, alors la relation qui unit le philosophe au savoir doit nous enseigner quelque chose de l’amitié. Pourtant, le philosophe n’est pas l’ami des hommes, mais des Formes. En cela, la philosophie semble ignorer toute relation interpersonnelle et leur préférer le rapport à un savoir absolu. Elle prétend cependant que ce désir de vérité, loin de lui être propre, constitue la vérité du désir. Pour que le désir parle vrai, il faut des formes. Nous essayerons de comprendre ce qui se joue dans un dialogue et à quelles conditions une vérité peut s’y exprimer.
Bibliographie :
« Bernard c’est le monde à l’envers, c’est un baiser sur la joue de ma femme qui est complètement gênée, Bernard c’est une parole , c’est un vin, un homme qui se soule complètement. Bernard c’est celui qui va te donner ce qu’il y a à te donner. »
L’étymologie courante veut que la philosophie soit « l’amour de la sagesse ». Le terme grec philia et le verbe philein renvoient toutefois à l’idée d’amitié plus qu’à celle d’amour. Le nom même de « philosophie » enveloppe donc l’amitié. Aimer la sagesse, non pas comme un amoureux ou un amant, mais comme un ami, qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut peut-être dire, avant tout, être ami.e.s dans la sagesse.
Nous inaugurerons l’école avec un premier semestre de cours qui durera toute l’année. Le thème que nous nous proposons d’étudier est celui de la vraie vie. Il s’agit d’une question aussi vieille que la philosophie elle-même.
Se convertir, ce n’est pas simplement changer d’idées ou de croyances, mais c’est changer de vie. Que signifie, cependant, changer de vie ? Que change-t-on exactement quand on change de vie ? La notion wittgensteinienne de forme de vie constitue une réponse à cette question : se convertir, c’est modifier son mode de vie. Quel est le rapport entre la manière et la vie ? En quoi la manière modifie-t-elle la vie elle-même ? On voudrait montrer que le concept de forme de vie permet à Wittgenstein de penser une modification pratique de coordonnées transcendantales de la vie. En ce sens, la conversion est un opérateur révolutionnaire.
Pour Hegel , « Il n’y a pas de héros pour son valet de chambre ». Non pas parce que le héros n’est pas un héros, mais parce que le valet de chambre est un valet de chambre. Autrement dit, celui – ou celle – qui a affaire à la sphère de la reproduction, qui prend soin de disposer les choses pour permettre aux autres d’agir ou de produire, est exclu de ce qu’Hegel nomme la réalité. Il réserve en effet ce nom aux êtres et aux choses qui ont la force de paraître sur la grande scène de l’histoire.
A partir d’un exposé sur la dialectique hegelienne et sur sa version marxiste, on reprendra les analyses de certaines féministes, notamment Carla Lonzi, qui tentent de dépasser l’opposition entre le monde et le foyer, entre la vie et l’Histoire.
« La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c’est la littérature. » Que signifie donc que la vraie vie soit imaginaire comme l’avance Proust ? La séance prendra appui sur des matériaux littéraires et fictionnels (Proust, Rimbaud, Bolaño). Pour montrer comment l’imaginaire permet de nouer ensemble la vérité et la vie, nous nous appuierons aussi sur la pensée noétique arabe, qui a envisagé l’imagination comme un mode de connaissance propre, et en fait la demeure propre de l’âme. Nous établirons ainsi que l’imaginaire permet de penser comment la vérité advient dans la vie, et comment la vie accède à sa vérité.
Le terme de « survie » admet deux connotations différentes. Lorsqu’on évoque la survie dans le désert, on pense à la forme la plus précaire, la plus fragile, la plus diminuée de la vie. Inversement, lorsqu’on dit que l’âme survit au corps, on s’imagine une vie après la mort, c’est-à-dire une autre vie, plus vraie, plus belle, plus haute. Ces deux usages du terme paraissent presque contradictoires. Ils portent cependant la même idée : celle d’un excès du vivant par rapport aux conditions de sa propre vie. Que ce soit dans l’expérience de la privation ou dans celle du dépassement, la vie semble toucher à ce qui en elle survit, à ce qui reste ou qui résiste quand tout a disparu. À partir de cette étrange coïncidence, nous ferons l’hypothèse que ce qu’une vie a de plus vrai est cela qui en elle-même l’excède – la capacité de survivre – et nous chercherons dans les différentes formes de la survie autant de figures de la vérité.
Dans cette séance, nous voulons questionner la vie à partir d’un sentiment aussi banal qu’il peut s’avérer intense : l’angoisse de la mort. La mort peut être vue comme dépassement ou accomplissement de la vie, comme passage, réincarnation, grand sommeil, séparation de l’esprit et du corps, pour le meilleur ou pour le pire. À chacune de ces images de la mort correspond sans doute une palette de rapports que les humains vivants entretiennent avec la mort, de l’espoir à la crainte en passant par l’acceptation ou l’attente. La modernité, en balayant les grands récits mythiques et religieux, nous laisse seuls et sans réponse face à la mort. De là naît un rapport particulier avec elle : la peur, voire l’angoisse de la mort. Pour les chrétiens qui
craignaient l’enfer, il y avait quelque chose qui faisait peur dans la mort, une certaine image des souffrances et des malheurs qui attendaient les pécheurs. Si la peur est peur de quelque chose de déterminé, il n’en va pas de même avec l’angoisse. Elle nous saisi lorsque l’on a peur sans savoir de quoi : la mort est tellement peu représentable que le sentiment qu’elle provoque est comme un vertige de frayeur sans objet.
L’enjeu est double. D’une part, la logique a souvent été présentée comme la première partie de la philosophie. Par exemple, dans la philosophie antique, certains divisaient la philo en logique/physique/éthique. En grec, logikè est dérivé de logos, la raison, le langage, le raisonnement.
D’autre part, du point de vue de notre petit parcours initiatique du dimanche, l’idée est de parvenir à repérer la structure logique et argumentative d’un texte. Parce que c’est ça l’exercice pour la prochaine fois : à partir d’un des textes que vous avez sélectionné, en extraire la structure logique, les implications, les raisonnements, valides ou non. Essayer de ramener le texte à son squelette logique, la suite des arguments et leur enchaînement, pour voir si ça tient et comment ça tient.
Vers une science de la vraie vie ?
L’objet de cette séance sera de découvrir la pensée d’un auteur, Husserl, dont l’ambition est de mener la critique radicale à la fois de la science moderne et de la façon prétendument la plus simple dont nous nous rapportons au monde.
Retrouver la vraie vie, ce serait alors pour Husserl tenter par une méditation rigoureuse de mettre de côté nos préjugés pour redescendre jusqu’au sol primordial de l’expérience vécue, qu’il nomme « le monde de la vie », où les choses nous apparaîtraient telles qu’elles sont. Le projet husserlien, que nous étudierons et interrogerons, consiste à faire de ce sol le fondement d’une science, d’une vérité, et d’un rapport au monde qui ne soient plus coupés de la vie.
Pour cette séance, on commencera par suivre le raisonnement de Nietzsche dans sa dimension destructrice. Ce dernier s’attaque en effet à tous les discours prétendument absolus – par exemple ceux de la philosophie ou de la religion – pour les ramener au type de vie qui l’énonce, en se demandant à chaque fois qui parle. Nietzsche est ainsi un des premiers auteurs à détruire la croyance en l’existence de vérités indépendantes de leur situation d’énonciation, et des rapports de pouvoir particuliers qui les caractérisent. Cette forme de nihilisme fait aujourd’hui partie de notre condition contemporaine : pourquoi choisir un mode de vie plutôt qu’un autre si toute croyance peut être réduite à une stratégie vitale ?
On verra ensuite comment Nietzsche tente de sortir de ce nihilisme. Pour cela, il lui faut reconstruire une distinction entre différentes existences plus ou moins authentiques, à l’intérieur d’un cadre où toute transcendance a été détruite. On examinera sa proposition, qui en passe entre autre par une opposition entre force et faiblesse, et on en questionnera les limites.
Quand la philosophie apparaît au Ve siècle av. J.-C., elle ne naît pas comme science, mais comme mode de vie. Philosopher, c’est vivre un certain genre de vie et, si l’on en croit ceux qui le vivent, le meilleur parmi tous. La vie bonne, c’est la vie contemplative. Une telle affirmation s’appuie une réflexion plus large sur les formes de vie – qui ne se réduit ni à la biologie, ni à la sociologie, ni à l’anthropologie, mais qui se situe en
deçà du partage entre l’étude générale du vivant et celle de ses formes singulières. La philosophie n’est donc qu’une forme de vie parmi les autres, mais cette forme prétend être la plus haute. Il faut donc chercher à comprendre ce qui lie l’étude des formes de vie à un plaidoyer pour la vie philosophique. Si le mot grec theoria ne signifie pas simplement « théorie », c’est-à-dire un savoir coupé de l’expérience, mais « contemplation », c’est-à-dire un certain rapport vivant à ce qui est, alors il faut examiner en quoi ce rapport peut prétendre être plus vrai que les autres.
Tout peut servir d’exemple. Donc il n’y a pas d’exemple en soi.
A première vue, l’exemple de quelque chose est là pour consolider l’existence d’autre chose, pour faire advenir son être, pour l’imposer. On dirait que l’exemple est de l’ordre de l’impur, de l’imparfait, dévoilant partiellement et imparfaitement une réalité qui lui est supérieure. L’exemple a une fonction de monstration, il fait signe vers autre chose qui est extérieure à lui-même.