"On ne peut pas faire des films sur quelque chose, on peut faire des films avec quelque chose, avec des gens, avec de la lumière, avec des fleurs, du sang, avec toutes ces choses insensées qui en valent la peine" Douglas Sirk
Amour, amitié : Love at first sight
Pour ce thème et ce week-end, nous avons décidé, de fusionner l’atelier féminisme et l’atelier cinéma.
Nous allons regarder Carol de Todd Haynes, un film sur le flou amoureux, dans un univers masculin qui obligé à poser des catégories. En interrogeant le regard masculin et l’imaginaire de la féminité au cinéma.
Pour cela, nous allons nous interroger sur les premières rencontres, le love at first sight.
Dans Carol, c’est comment la rencontre entre deux personnes singulières parce que c’est deux femmes nouent une relation qui n’est pas codée d’avance, mais qu’elles sont dans un monde codé clairement, pourquoi l’amitié entre deux femmes. Besoin de se confronter à des codes, et en même temps on aimerait que cela dessine quelque chose de nouveau là dedans.
Notre hypothèse c’est que l’amour c’est Hollywood
Comment on aime, comment on rencontre, on tombe amoureux, c’est hollywood.
Daney dit : "Le cinéma promettait un monde. Le monde n’était pas complet. Il était américain à soixante-dix pour cents, le monde. Mais, d’abord l’Amérique elle était mondiale. C’était un sacré méli-mélo en terme de peuples et d’émigration. Deuxièmement, c’est le cinéma hollywoodien et le cinéma américain qui nous a faits, car quel autre cinéma aurait pu nous faire, sinon le cinéma américain qui était à son maximum de bonheur, de capacité de bonheur, de grâce… ? Dans les films de Douglas Sirk, l’Amérique est belle à voir. Quand Fred Astaire danse, c’est beau. Et puis ça ne danse que là ; ça ne dansait pas en Europe. Tout cela, on l’a su d’une façon absolue. C’était une promesse d’un monde, même si le monde était très américanisé. Car les Américains ont quand même été les seuls pendant très longtemps à toucher les mythologies des autres peuples pour raconter des histoires qui n’étaient pas les leurs : le Roi Arthur, la Révolution française… Bien sûr, avec leurs intérêts idéologiques et leur bêtise propre de villageois américains… N’empêche qu’ils ont fait ce que personne d’autre n’a fait. (…) Heureusement ou malheureusement – je n’arrive pas à le savoir – les Américains avaient à l’époque, et ont toujours, une place absolument unique dans le monde. Le problème, c’est qu’ils n’ont plus les moyens de tenir cette promesse, ou de tenir la promesse de la promesse du monde. Si bien qu’aujourd’hui, ils sont quand même très très méprisés, tout en étant absolument culturellement dominants. Ce qui est très malsain comme situation. Mais à l’époque, dans les années cinquante, non".
Codes de l’hétérosexualité produit par le cinéma.
Les histoires d’amour au cinéma sont des histoires de rencontre. Pas de rencontre anodine, hérité d’une grande culture romantique
(Badiou sur la rencontre dans éloge de l’amour : le romantisme consume l’amour dans la rencontre. L’amour doit avoir lieu dans le monde, or impossibilité romantique de retourner dans le monde après la rencontre).
La dramaturgie de l’amour est souvent une grande rencontre, une rencontre à rebondissements, ce n’est qu’un chemin pour être ensemble et pas l’être ensemble. On éprouve pas réellement l’être à deux.
Formellement qu’est ce que ça veut dire ?
comment singulariser une rencontre, comment une rencontre est amoureuse : première fois que ton regard se pose sur un corps étranger.
Love at first sight (l’éducation sentimentale : Madame Arnoux)
Une rencontre donne naissance au désir par le regard. Passage désir-regard.
(pas de passage désir – langage, frustration du cinéma)
Plusieurs typologies de rencontres amoureuses dans le cinéma classique :
Laura Mulvey parle du male gaze soit le regard masculin sur les femmes au cinéma.
Allant au-delà de la simple exposition d’une belle femme, le cinéma construit la façon dont elle sera regardée à l’intérieur du spectacle lui-même.
Clé de visionnage : Introduction des trois niveaux de regards.
GILDA, Rita Hayworth
Regard : le regard du spectateur, le point de vue de la caméra et les regards intra-diégétiques
VERTIGO, de Hitchock
2. Le mélodrame, All that heaven allows, Douglas Sirk
Ère du mélodrame du secret magnifique (1954) à Imitation of life (1959)
(On ne peut pas faire des films sur quelque chose, on peut faire des films avec quelque chose, avec des gens, avec de la lumière, avec des fleurs, du sang, avec toutes ces choses insensées qui en valent la peine)
(-c’est intéressant de noter que le genre désigne aussi bien le sujet que le public visé. c’est peut être cela qui expliquerait qu’il y a une néccesité à tenter de prendre comme observateur du monde la femme. All that heaven allows. c’est une femme qui regarde, mais ce sont aussi des films que les femmes regarderont. )
Fassbinder sur Sirk : du sang, des larmes et de l’amour
"Chez Douglas Sirk, les femmes pensent. Ça ne m’est apparu chez aucun metteur en scène. D’ordinaire les femmes font ce que font justement les femmes, et ici elles pensent. C’est beau de voir une femme penser. "
Ce que Fassbinder dit sur Sirk, c’est que les films de Sirk provoquent un sentiment de frustration. L’identification vient du montage et de la musique, pas des personnages. On voit vraiment des films, où il arrive une histoire à Quelqu’un d’autre.
All that heaven allows, (1955)
Dans le premier film de Sirk avec Hudson, quelqu’un déclare « ce sera une magnifique obsession ».
Hudson, le premier acteur a avoir assumé son homosexualité et mort du sida : la figure masculine du genre est donc homosexuelle.
Dans ce film, c’est l’amour impossible entre une veuve, bourgeoise américaine de banlieue et son jardinier proche de la nature. C’est donc toute une appréciation différente de ce qui est important entre eux qui se joue, jusqu’à ce que la bourgeoise se rende compte que son monde qui la reconnaissait autant qu’il la brimait, est prêt à être quitté pour rejoindre Rock Hudson dans sa vie déclassée.
Comment l’amour se forme en deçà des discours, sans parvenir à être autre chose que ce que disent les discours ?
Qu’est ce que nous dit un regard ? Comment interpréter un regard, un geste, une parole ?
La parole est absolument vidée de son sens, on ne se dit rien.
Ce qui se passe ne se passe pas à ce niveau là : ça se passe à un niveau encore non-formulé de l’intuition. Par où ça passe ?
Le geste final de Hudson, c’est de décrocher cette branche en parlant d’amour, c’est l’enfer. Et en même temps, c’est encore une fois la question du geste. Il trouve une formulation à ce qui ne peut pas se dire.
D’où l’importance de l’objet, l’objet signifie. L’objet est un corps au regard.
3. Carol de Todd Haynes
Qu’est ce que ça veut dire, regarder quelqu’un.
Regarder ses mains : 3 plans des mains de Carol, le vernis, le rouge. Puis ce sont les gants qui sont oubliés, rapport entre la vue et le toucher.
Portrait de la jeune fille en feu, Céline Sciamma
Female Gaze
regard interface entre le sujet et le monde, par le regard que se constitue le désir mais pas en plaquant son désir sur le monde, c’est là où ça se noue.
Implique que si tu regardes, tu es regardé. Jamais unilatéral.
Ne peut pas regarder sans s’expooser. Surprise par ça.
Objet du regard aussi sujet.
Tout peut servir d’exemple. Donc il n’y a pas d’exemple en soi.
A première vue, l’exemple de quelque chose est là pour consolider l’existence d’autre chose, pour faire advenir son être, pour l’imposer. On dirait que l’exemple est de l’ordre de l’impur, de l’imparfait, dévoilant partiellement et imparfaitement une réalité qui lui est supérieure. L’exemple a une fonction de monstration, il fait signe vers autre chose qui est extérieure à lui-même.
Quand la philosophie apparaît au Ve siècle av. J.-C., elle ne naît pas comme science, mais comme mode de vie. Philosopher, c’est vivre un certain genre de vie et, si l’on en croit ceux qui le vivent, le meilleur parmi tous. La vie bonne, c’est la vie contemplative. Une telle affirmation s’appuie une réflexion plus large sur les formes de vie – qui ne se réduit ni à la biologie, ni à la sociologie, ni à l’anthropologie, mais qui se situe en
deçà du partage entre l’étude générale du vivant et celle de ses formes singulières. La philosophie n’est donc qu’une forme de vie parmi les autres, mais cette forme prétend être la plus haute. Il faut donc chercher à comprendre ce qui lie l’étude des formes de vie à un plaidoyer pour la vie philosophique. Si le mot grec theoria ne signifie pas simplement « théorie », c’est-à-dire un savoir coupé de l’expérience, mais « contemplation », c’est-à-dire un certain rapport vivant à ce qui est, alors il faut examiner en quoi ce rapport peut prétendre être plus vrai que les autres.
Pour cette séance, on commencera par suivre le raisonnement de Nietzsche dans sa dimension destructrice. Ce dernier s’attaque en effet à tous les discours prétendument absolus – par exemple ceux de la philosophie ou de la religion – pour les ramener au type de vie qui l’énonce, en se demandant à chaque fois qui parle. Nietzsche est ainsi un des premiers auteurs à détruire la croyance en l’existence de vérités indépendantes de leur situation d’énonciation, et des rapports de pouvoir particuliers qui les caractérisent. Cette forme de nihilisme fait aujourd’hui partie de notre condition contemporaine : pourquoi choisir un mode de vie plutôt qu’un autre si toute croyance peut être réduite à une stratégie vitale ?
On verra ensuite comment Nietzsche tente de sortir de ce nihilisme. Pour cela, il lui faut reconstruire une distinction entre différentes existences plus ou moins authentiques, à l’intérieur d’un cadre où toute transcendance a été détruite. On examinera sa proposition, qui en passe entre autre par une opposition entre force et faiblesse, et on en questionnera les limites.