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4ème année : 2021-22

Trois ans : le stade du miroir

Le long de la Seye et dans les couloirs de la grande maison, les rumeurs courent à propos de l’année qui vient. C’est non sans un certain soulagement que nous vous annonçons que l’école ne continuera pas sous cette forme.

Soulagement, mais pas de panique : on va vous expliquer la suite. Si l’école ne continue pas sous cette forme, c’est que nous avons envie et besoin de repenser sa forme, son fond et ses façons. Nous avons donc pensé et imaginé l’année qui vient comme une année de travail consacrée à élaborer les formes futures et désirables de l’école.

Qu’est-ce qu’on va faire de l’école dans les années à venir ? Voilà le tableau : nous avons trois ans et nous réfléchissons, et l’année à venir pourrait s’appeler : le stade du miroir. Pour mener à bien cette réflexion, nous avons évidemment besoin de l’aide de nos acolytes. Ce serait se couper d’énormément d’expériences et d’intelligence que de réfléchir à l’école sans les personnes qui y ont participé en tant qu’élève. C’est pourquoi nous tenons à inviter à ce travail de réflexion d’autres personnes que le groupe d’organisation que nous sommes.

Ce à quoi nous invitons

Ce à quoi nous invitons est modeste, mais exigeant : il s’agit de s’engager sur un an à réfléchir à la forme future de l’école, à raison de trois sessions de travail d’une durée de dix jours, avec des recherches et des lectures à effectuer entre chaque session. Il faudra venir aux trois sessions, pour pouvoir travailler en groupe d’une session sur l’autre. Le ton rébarbatif s’explique par le fait que nous aimerions réfléchir en assez petit comité, sachant qu’assez petit dans ce contexte signifie trente personnes maximum et que nous sommes déjà treize.
Venir par curiosité, pour retrouver des amies ou pour apprendre ne suffit donc pas (il y aura peut- être d’autres moments organisés pour répondre à ces désirs). Le critère est : avoir envie de consacrer du temps à réfléchir à la forme de l’école. Pour dissoudre les potentiels malentendus, précisons que participer à l’année prochaine ne revient pas à s’engager à mettre en œuvre concrètement l’école dans les années suivantes, dans la mesure où organiser l’école à 30 ne nous semble pas désirable. Ce dont nous avons besoin, c’est de l’accompagnement et des conseils de nos amies.

Matériaux
Pour nourrir cette réflexion sur la construction de l’école et ses formes futures, nous avons besoin de matériaux, théoriques, historiques, artistiques. Nous voulons construire notre réflexion à partir d’expériences historiques ou actuelles inspirantes, aussi diverses soient-elles que le jardin d’Epicure, le Black Panther Party, l’école d’art de Cuba ou les lycées autogérés. Considérant que l’école n’est pas seulement le lieu d’une transmission de savoir, mais aussi celui où s’élabore une manière de vivre, nous ne voulons pas nous limiter à des exemples d’école et préférons élargir notre réflexion à ce que nous avons appelé des institutions minoritaires (comme l’hôpital de Saint-Alban, par exemple).

Nous demandons ainsi à chaque participante de venir à la première session avec en tête un exemple inspirant d’institution minoritaire à explorer et qui pourra à terme faire l’objet d’une présentation. Ce travail d’exploration pourra être collectif, selon le recoupement des envies et le désir de travail collectif. Ces recherches historiques seront doublées d’une autre ligne de réflexion, plus théorique. C’est pourquoi nous proposons, sans l’imposer, de venir également avec un·e auteur·e ou un livre à étudier (que ce soit l’oeuvre de John Dewey, qui a réfléchi sur l’école et la pédagogie et a contribué à la construction d’écoles expérimentales et en a inspiré d’autres comme le Black Mountain College, ou bien la pensée d’Ivan Illich ou celle de Jacques Rancière, pour citer des exemples dont nous avons commencé à parler).

Surtout, nous demandons à chacun·e de venir avec un problème : le problème que ça pose, de chercher à construire une école. Un tel problème peut aussi bien être concret (à qui s’adresse notre école ?) que théorique (l’accaparement de la pensée par la philosophie), ou bien à cheval entre les deux (le rapport entre maître et disciple, l’idée d’école du parti). Ces problèmes serviront à nourrir et orienter nos recherches. Par exemple : j’ai tel problème avec l’école, telle expérience me semble apporter des éléments pour y répondre, j’ai envie d’y travailler avec d’autres personnes ou de faire une présentation.

La règle du jeu sera de rapporter cet exemple, ce problème et nos lectures à ce que l’on fait, ou pourrait faire, nous, avec notre école – que ce soit pour le décaler, le dépasser, ou le reprendre. Cette année se voulant réflexive, nous tenons à ne pas séparer le versant théorique des aspects concrets qu’impliquent la construction de l’école. Les exposés qui seront issus des groupes de travail ou des travaux personnels serviront à alimenter des discussions sur l’avenir de l’école. Qu’il soit bien clair qu’aucune connaissance ou expertise préalable concernant l’histoire des institutions scolaires ou la théorie pédagogique n’est attendue : nous sommes quasiment tou·tes des enfants de trois ans en la matière (et nous inviterons d’ailleurs peut-être quelques grandes personnes plus compétentes pour nous aider dans nos recherches). Mais comme nous avons peu de temps et beaucoup à faire, il sera bon de nous retrouver en ayant chacun·e déjà réfléchi avant octobre à des propositions et pistes de travail. Aucune d’entre elles ne devrait d’ailleurs sembler bonne ou mauvaise a priori : au contraire il s’agit d’inventer, de se métamorphoser peut-être, donc de faire preuve de curiosité voire d’excentricité dans les hypothèses.

En pratique
Chaque session se déroulera du vendredi au dimanche d’après. En voici les dates :
29 octobre – 7 novembre
18 février – 27 février
1er juillet – 10 juillet

La première session débutera par une formation logistique permettant à chacun·e d’être à l’aise et à égalité face aux charges matérielles.
Le premier jour de travail de chaque session sera voué à organiser la semaine ; et nous établirons le programme de la session suivante à la fin de chaque session. Une plénière initiale permettra de recenser les exemples, les problèmes et les envies de chacune, afin de mettre en place des groupes de travail. Puis l’on commencera à travailler. Chaque personne participera a minima à deux groupes : un groupe de recherche sur une expérience réelle d’institution minoritaire, et un groupe de réflexion théorique. Nous invitons donc les participantes à venir avec un problème, et un exemple d’institution
minoritaire ou d’expérience pédagogique en tête, ainsi que des livres sous le bras en conséquent, puisqu’il s’agira de travailler sur le champ.
Pour alimenter la première session de travail, il est également possible de venir avec une présentation déjà prête respectant les règles du jeu exposées précédemment (mais cela n’a rien obligatoire).


La vraie vie

Novembre 2018

Exemplifier

Tout peut servir d’exemple. Donc il n’y a pas d’exemple en soi.
A première vue, l’exemple de quelque chose est là pour consolider l’existence d’autre chose, pour faire advenir son être, pour l’imposer. On dirait que l’exemple est de l’ordre de l’impur, de l’imparfait, dévoilant partiellement et imparfaitement une réalité qui lui est supérieure. L’exemple a une fonction de monstration, il fait signe vers autre chose qui est extérieure à lui-même.

Exposé

la vraie vie

novembre 2018

La vie bonne : genres et formes de vie dans la philosophie antique

Quand la philosophie apparaît au Ve siècle av. J.-C., elle ne naît pas comme science, mais comme mode de vie. Philosopher, c’est vivre un certain genre de vie et, si l’on en croit ceux qui le vivent, le meilleur parmi tous. La vie bonne, c’est la vie contemplative. Une telle affirmation s’appuie une réflexion plus large sur les formes de vie – qui ne se réduit ni à la biologie, ni à la sociologie, ni à l’anthropologie, mais qui se situe en
deçà du partage entre l’étude générale du vivant et celle de ses formes singulières. La philosophie n’est donc qu’une forme de vie parmi les autres, mais cette forme prétend être la plus haute. Il faut donc chercher à comprendre ce qui lie l’étude des formes de vie à un plaidoyer pour la vie philosophique. Si le mot grec theoria ne signifie pas simplement « théorie », c’est-à-dire un savoir coupé de l’expérience, mais « contemplation », c’est-à-dire un certain rapport vivant à ce qui est, alors il faut examiner en quoi ce rapport peut prétendre être plus vrai que les autres.

Exposé

La vraie vie

décembre 2018

Vie et vérité chez Nietzsche

Pour cette séance, on commencera par suivre le raisonnement de Nietzsche dans sa dimension destructrice. Ce dernier s’attaque en effet à tous les discours prétendument absolus – par exemple ceux de la philosophie ou de la religion – pour les ramener au type de vie qui l’énonce, en se demandant à chaque fois qui parle. Nietzsche est ainsi un des premiers auteurs à détruire la croyance en l’existence de vérités indépendantes de leur situation d’énonciation, et des rapports de pouvoir particuliers qui les caractérisent. Cette forme de nihilisme fait aujourd’hui partie de notre condition contemporaine : pourquoi choisir un mode de vie plutôt qu’un autre si toute croyance peut être réduite à une stratégie vitale ?
On verra ensuite comment Nietzsche tente de sortir de ce nihilisme. Pour cela, il lui faut reconstruire une distinction entre différentes existences plus ou moins authentiques, à l’intérieur d’un cadre où toute transcendance a été détruite. On examinera sa proposition, qui en passe entre autre par une opposition entre force et faiblesse, et on en questionnera les limites.