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Pat Garrett and Billy the Kid

Existential fucking violence

En 1950, Peckinpah commence le cinéma en étant l’assistant de Don Siegel (les proies, les profanateurs de sépulture…) À partir de 1960, il réalise des films et gagne sa réputation d’enfant terrible à Hollywood. Ses films sont violents, et la violence est rédemptrice, elle est libératrice et a une valeur sociale.

C’est un cinéma d’homme, un gars qui a été « élevé » dans le cinéma de genre d’Hollywood et qui arrive un peu trop tard pour son époque. Mais qui va faire exploser la violence contenue dans les films de genre qu’il y avait avant lui.

Dès qu’il commence à faire des western, c’est pour consacrer la fin des grand mythes du genre. Peckinpah ne fera que des films mélancolique et ultra violents sur la fin d’un monde. En effet, à Hollywood, ça va être le nouvel Hollywood des années 70, l’explosion des codes et lui, il a une nostalgie de l’ancien monde. Peckinpah, c’est la mort au travail. C’est des courses poursuites au ralenti, et des hommes qui n’appartiennent pas à leur temps.

Peckinpah a été victime des studios, beaucoup de ses propres films lui ont échappé et ça l’a rendu fou. Et c’est un cinéma de la mélancolie. Un cinéma critique du cinéma (donc en train de constater la fin d’un monde, des genre, des studios ou leur transformation) et beaucoup de ses films sont des échecs commerciaux.

Petit point mysoginie. C’est un cinéma viriliste. La violence est réservée à l’homme, et l’homme doit piocher dans sa violence profonde et sa nature est mauvaise et pleine de haine. Les femmes sont absentes des films ou comme dans les chiens de paille, elle se fait violer.

Il est alcoolique, colérique et a mauvaise réputation à Hollywood. Ce que l’on retient de lui c’est le déferlement de violence baroque de son cinéma des années 60 teintée d’une mélancolie profonde. 

Il a influencé Carpenter. Et tous les cinéastes virilistes d’Hollywood, comme Tarantino ou Scorsese, obsédés par la puissance et le mal. Il a notamment été le premier à filmer les fusillades au ralenti, ce qui est devenu une norme du genre.

Patt Garrett et Billy the kid étaient avant du même côté de la loi. C’est-à-dire, contre. Ils étaient amis, partenaires et tout cela ensemble. Mais Patt Garrett se sentant vieillir, on peut même dire étant presque déjà mort, il décide de devenir shérif. Au vu de son passé, sa hiérarchie le met à l’épreuve. Il devra capturer, ou tuer Billy the Kid. S’engage alors une course-poursuite entre quelqu’un qui ne veut pas trouver son ancien ami, et quelqu’un qui ne veut pas fuir.

Pour Burdeau, critique de cinéma, Peckinpah fait des films du non-lieu, du gouffre. Les personnages cherchent tellement à différer la traque qu’ils pourraient tomber dans le raccord. 

L’historicisme profond d’un cinéma qui a pris comme thème le crépuscule d’un monde, les ravages de l’économie en marche, le vieillissement des hommes, si bien incarné par le choix des acteurs des films s’opposent à l’ivresse du présent dilaté, soit un temps qui se serait arrêté, ou du moins aurait été suspendu, interminablement. Là, dans la conscience de cette illusion, sans doute réside la mélancolie profonde de l’œuvre de l’auteur de Pat Garrett and Billy the Kid, collision brutale de l’être et du mouvement de l’Histoire.

Amitié d’étoiles. – Nous étions amis et sommes devenus étrangers l’un à l’autre. Mais c’est bien ainsi et nous ne voulons pas nous le voiler, nous le cacher comme si nous devions en avoir honte. Nous sommes deux vaisseaux dont chacun a sa route et sa destination ; nous pouvons très bien nous croiser et célébrer une fête ensemble, comme nous l’avons fait ; les braves vaisseaux se trouvaient alors si tranquilles lors d’une même escale et sous un même soleil qu’ils donnaient l’impression d’être déjà arrivés à bon port et d’avoir eu la même destination. Mais la force toute-puissante de notre tâche nous a ensuite de nouveau séparés l’un de l’autre, sur des mers différentes, sous des soleils différents, et peut-être ne nous reverrons-nous jamais. Peut- être aussi nous reverrons-nous, mais sans nous reconnaître : la différence des mers et des soleils nous aura transformés ! Qu’il nous ait fallu devenirétangers, telle est la loi qui nous est supérieure  : témoigner davantage de respect ! C’est justement pourquoi nous devons sanctifier davantage la pensée de note amitié d’antan ! Il existe probablement une immense courbe invisible, une orbite dans laquelle nos buts et nos chemins si différents les uns des autres peuvent s’insérer comme de petits tronçons ; élevons-nous à cette pensée ! Mais la vie est trop courte et notre vue trop faible pour nous permettre d’être plus que des amis dans le sens de cette sublime possibilité. Alors nous voulons croire à notre amitié d’étoiles, même s’il nous faut être ennemis sur cette terre.

(Nietzsche, Le gai savoir, §279, trad. N. Waquet)

C’est son dernier western, tourné au Mexique en 1973. Le montage lui échappe, il désavoue le film. En 1988, une version ressort en cassette plus proche de ce qu’aurait voulu Peckinpah. Il y a une profusion de versions, et sans rentrer dans des détails inintéressants, ce qui est notable, c’est qu’il n’y a pas une version des studios et une version du réalisateur. Il y a plusieurs versions, dont celle que Peckinpah a désavoué, celle que son monteur a remonté avec ses carnets de notes alors que Peckinpah était mort et une version de 2005. Cette tension entre studios et réalisateur, dans ce cas, laisse penser qu’il n’y a pas une vérité du film.

En 1973, le western, c’est fini. Alors, il filme ce qu’il a toujours filmé : le vieillissement de l’ouest. Les personnages ne font qu’essayer de se maintenir dans un monde, sans illusion, ou même de se maintenir tout simplement en vie. 

C’est un cinéma critique. Il arrive trop tard dans l’histoire du cinéma et qu’il ne peut que parler de ce trop tard. C’est fini l’exemplarité du héros et donc dans le cas du western à la virilité du Héros. Ses personnages sont virils et les films sont machistes, mais ce sont des virilités contrariés, déjà mortes.

Il ne peut plus faire des héros mais des anti-héros, c’est fini le temps des héros impersonnels, qui traversent une histoire qu’ils ne comprennent pas. Maintenant, ce sont des loosers et la victoire est la plus grande des défaites selon les mots du réalisateur. 

Peckinpah parle de ses personnages : ’Ils n’ont aucune façade, il ne leur reste plus qu’une illusion, aussi représentent-ils l’aventure désintéressée, celle dont on ne tire aucun profit, sinon la pure satisfaction de vivre encore’.

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